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Sous les pavés, l'amer

21 septembre 2012

La tuerie : tradition française

 

 

 

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On attendait aujourd'hui - oh, sans guère d'illusion- la déçision de ceux que l'on dit "sages". Sans surprise, donc, nos hautes autorités morales ont tranché. On aurait souhaité qu'ils aient au moins la décence d'aborder sérieusement la question. On les imagine expédier la bagatelle  avec les sarcasmes de circonstance. Et nos garants de la constitutionnalité de justifier leur déçision par ce qui n'est qu'une anomalie dans la loi : la "tradition". Elle n'a aucune assise morale non plus, elle n'a que l'habitude pour elle, mais on la conserve, parce que c'est comme ça : "la pire tyrannie est celle de l'habitude". Peut-être ensuite ont-ils échangé quelques bons mots à la table d'un grand restaurant parisien (autour d'une daube de taureau ou d'un coq au vin, qui sait ?). La fameuse tradition culinaire française : carnée, forcément...


Il paraît que la cause animale n'est pas "une priorité". Soit, mais que coûterait l'abrogation d'un misérable alinéa, si ce n'est le plaisir sadique d'une minorité ? Faire reculer un peu la cruauté semble être insurmontable et déplacé. Il faut croire que nos responsables, afficionados notoires pour une partie, ont besoin d'avoir d'autres chats à fouetter... jusqu'au sang. Le droit d'assassiner un bovin et d'en jouir est donc réaffirmé.


Le taureau, quelque part en Camargue, ne sait pas ce qui se trame dans son dos. On ne lui demande pas son avis à lui, le premier concerné, lui qui n'a rien demandé. Il n'est élevé que pour offrir sa propre souffrance et sa propre mort afin de "divertir" le public, au nom de la "tradition".
Qu'elle est triste, la mise en scène de la mise à mort d'une bête captive par un barbare civilisé. Privé de sa liberté, dressé pour mourir, le taureau gardera pourtant en lui la pulsion de vie jusque dans l'agonie. On ignore s'il sentira la mort venir, même à travers la douleur, mais il la combattra, vainement, sans pouvoir en comprendre la raison. Aucune mort n'est acceptable pour celui qui la subit malgré lui, mais s'y être préparé enlève un peu à l'angoisse. Au taureau qui n'a peut-être pas pas notre recul, il ne reste que la terreur d'une mort qu'il refuse de toutes ses dernières forces. C'est bien là que réside le "drame" de cette odieuse tuerie, dans la lutte desespérée d'un animal qui n'est plus que peur et souffance. Vision terrible et insoutenable, érigée en métaphore de la vie par des imbéciles. L'observation de prédateurs qui le sont par nécessité ne suffit pas. Il faut aussi donner la mort et la mettre en scène, dans un besoin compulsif de "sauvagerie" :  le massacre d'une bête comme sublimation du désir de tuer que la civilisation n'a pu éradiquer... Alors la loi s'en accomode. Pire encore : certains de nos décideurs s'en délectent. Ce n'est pas de ceux-là qu'il faudra attendre une remise en cause de l'alinéa scélérat.


N'oublions pas les coqs dressés à s'entretuer : ils sont renvoyés au même sort que les taureaux. Quel plaisir à voir ensanglanté leur fringuant panache de plumes, si ce n'est de voir souillé ce qui est beau, ce qui unique, ce qui est animé d'une force vitale insolente ? Nos cocasses et sympatiques gallinacés, si attachants, ont en commun avec leurs amis les taureaux ce regard bouleversant d'innocence et de mystère qui, à lui seul, suffit à rendre leur mort innaceptable.
Ceux qui militent pour l'éradication de ces survivances ancestrales débiles savent que ce n'est qu'une bataille et qu'un jour l'histoire leur donnera raison. L'opinion est déjà prête à l'accepter : l'abolition de la corrida viendra tôt ou tard. Il restera toujours la chasse pour les gros cons, mais à elle aussi, son tour viendra. Cela n'abolira pas la connerie, ni les gros cons. Cela rendra ce mondre juste un peu plus vivable.

 

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19 septembre 2012

Peut-on encore rire de dieu en France ?

 

charlie

Alors que se multiplient ça et là les "manifestations" de barbus, les médias tremblent de trouille et presque tout le monde lâche Charlie, certains laissant planer la menace des représailles sur l'air de "on vous avait bien dit de ne pas jouer avec le feu". Après les locaux de la rue de Turbigo, ça serait au tour de ceux de la rue Serpollet de partir en fumée. Et la liberté d'expression avec. A propos de Charlie Hebdo de demain, Ayrault désapprouve "tout excès". Si ces paroles avaient eu une suite une suite, les adjectifs "rassembleur" et surtout le "responsable", asséné jusqu'à la nausée, n'auraient pas manqué d'y figurer. Ce que dit Ayrault est à la fois très creux (qui pourrait approuver l'excès ?) mais aussi très lourd de sens, puisqu'il relègue la critique d'une religion au rang des excès, c'est à dire dans le même sac que les fanatiques qui crament une ambassade dès qu'on ose parodier leur super héros. Quant à Fabius, il se dit "contre toute provocation". On croirait du Chirac dans le texte, lorsque ce dernier condamnait les "provocations inutiles" de Charlie en 2006,à l'occasion de la publication des caricatures. On a voté à gauche et au premier coup de semonce des barbus, on a l'impression de revivre les grandes heures du Chiraquisme ! Mais voilà, maintenant la gauche est au pouvoir, fini de rigoler. Cette fois, il ne faudra pas compter sur Hollande pour envoyer un message de soutien à Charlie comme pendant le procès des caricatures, à l'époque où la gauche était encore embourbée dans l'opposition.

La trouille et la dictature du consensus viennent remettre en cause le droit à la caricature, tout comme la communication politique eclipse les convitions de ceux qui accèdent au pouvoir. On pense aujourd'hui faire diversion en lâchant un peu de lest aux intégristes mais ils reviendront demain à la charge encore plus violemment, cautionnés par la désapprobation du pouvoir à l'égard des blasphémateurs.


En attendant, la peur continue son travail de sape : il n'y avait qu'à entendre certains journalistes dans leurs petits souliers au lendemain de l'attentat de Benghazi, lorsqu'ils évoquaient le film "anti musulmans" qui avait "mis le feu aux poudres" : "un film insignifiant", "une caricature grossière", "une provocation", "une incitation à la haine et à l'islamophobie"...  En somme, un nanard digne de Max Pécas mais avec le contenu idéologique des Dieux du stade. D'entrée, donc, la nullité et les grosses ficelles islamophobes sont mises en avant par les médias (à juste titre, certes), mais curieusement, comme pour montrer, s'il était besoin, qu'ils ne cautionnent pas ce genre de film. Imaginons que le film ait été une pure parodie, sans intention autre que de se foutre de la gueule du prophète et de la religion en général. Comment auraient alors réagi nos braves journalistes ? Il y a fort à parier qu'ils n'auraient pu s'empêcher de jouer les vierges effarouchées : "c'est dans la culture de ces gens-là", "c'est comme ça, ils ne sont pas assez évolués pour goûter ce genre de plaisanterie", "gardons-nous de mettre de l'huile sur le feu". Heureusement pour certains journalistes que ce film est un navet xénophobe à gros sabots. Ca les dispense d'aborder le fond du sujet. Malheureusement, cela ne nous épargne pas leurs sermons dégoulinants de condescendance...


Charlie est un journal d'équilibristes : il a toujours su rester intransigeant en matière d'antiracisme et de lutte contre la religion, sans jamais céder au relativisme culturel ou aux sirènes de la laïcité made in FN. Un exemple : quels journaux, à part Charlie, osent aborder le problème du halal, sans arrière pensée xhénophobe ni condescendance, ni peur de passer pour islamophobe, mais seulement par souci des animaux et par attachement à la laïcité ? A mon avis, il n'y en a pas des masses.
A chaque fois qu'il y a du curé à bouffer, de l'immam à dégommer ou du rabin a taquiner, c'est Charlie qui s'y colle. Quand la laïcité est attaquée, c'est une mission pour lui. Notre gouvernement, au lieu de tancer les blasphémateurs serait bien inspiré de les soutenir avant que le front de la lutte contre l'intégrisme devienne un no man's land.

11 avril 2011

Cours camarade, le désastre est devant toi !

     Nous azegtvivons le cul posé sur une bombe à retardement, mais il faut attendre une catastrophe pour que  naisse le débat dont on connaît à l'avance l'issue, au pays des droits de l'atome... Pour ou contre le nucléaire ? Il serait tentant et bien commode de classer les anti-nucléaires à gauche et les pro-nucléaires à droite. Mais le positionnement sur la question est encore bien loin de suivre cette logique. Cet "encore" en italique pour signifier qu'il pourrait et qu'il devrait en être autrement, si la notion de gauche était en phase avec les enjeux de civilisation actuels.

     Car qu'est-ce qu'être de gauche, aujourd'hui ? Si l'on devait définir la gauche en trois mots, on retiendrait certainement les termes égalité, solidarité et partage. Ces trois notions ont toujours constitué l'essence de la gauche, des débuts de la révolution industrielle à l'ère de la mondialisation. Pour en revenir à la catastrophe nucléaire, toute la gauche française a exprimé sa solidarité envers le "peuple japonnais", mais au fond, est-on solidaire devant un regrettable incident (et que l'on estime impossible en France) ou devant une catastrophe qui devait arriver un jour ou l'autre ? Tu n'es pas contre le nucléaire, camarade. Tu es même franchement pour, historiquement. Joliot Curie, communiste de la grande époque de l'après guerre est l'un des pères du CEA. Pacifiste, certes (il milita pour l'interdiction de la bombe A), mais nucléocrate quand même. Ce que tu réclames, c'est le retour du nucléaire dans le giron de l'Etat, au nom de la sécurité, de la modération des tarifs et, à fort juste titre, une meilleure protection des salariés, notamment des sous-traitants chargés du sale boulot. Tu contestes certaines décisions industrielles, mais en somme, tu ne remets pas en cause le choix du nucléaire. Le PS est plutôt divisé là-dessus, mais la CGT et le PC restent convaincus qu'on ne peut pas se passer du nucléaire, garant selon eux d'indépendance énergétique et d'électricité bon marché. On pourrait contester cette vision des choses en parlant des coûts cachés (subventions publiques, retraitement, démantèlement, risques...) ou encore de la dépendance en minerai d'uranium, mais cette exception industrielle, à la charge de la collectivité (et donc du contribuable), imposée sans débat par l'intelligentsia du Corps des Mines depuis plus de 50 ans a ce petit je-ne-sais-quoi qui fleure bon l'économie d'Etat à la soviétique...

     La dépendance énergétique, en soi, n'est pas un problème, à moins de considérer les autres pays comme des concurrents. Mais alors, la solidarité ? L'uranium, s'épuise. Il faudrait tabler sur des réserves de 50 ans d'après les experts. Bref, y en aura pas pour tout le monde. Penses-tu, camarade, comme le nucléocrate Christian Gérondeau, que ce problème est nuancé par le fait que peu de pays ont fait le choix du nucléaire (et que de plus en plus en sortent) ? Cet argument est un aveu : le nucléaire, c'est 2,5% de l'énergie consommée dans le monde, mais 78 % de l'électricité consommée en France (en réalité seulement 18% de l'énergie consommée au final, mais bon...). Au diable donc, l'idée d'une énergie durable et accessible à tous les pauvres de la planète. Serais-tu devenu cynique, camarade ? Les générations futures valent-elles moins que les générations actuelles ? Que fais-tu du désastre écologique généré par l'extraction d'uranium ? Les sous-traitants français valent-ils plus que les populations du Niger ? Et les Russes, les frères d'autrefois, qui amassent nos déchets radioactifs non recyclables à ciel ouvert ? Prolétaires de tous les pays, démerdez-vous ? Il faut reconnaître que l'écologie n'a jamais été ton fort, en cela, tu es resté fidèle à l'héritage environnemental soviétique.  La CGT énergie ne voit pas d'un bon oeil les énergies renouvelables, ces coûteuses lubies de bobo, . Rien de tel que le bon vieux chauffage électrique pour réchauffer le coeur du travailleur.

     Une dernière question, camarade. Comment comptes-tu changer le monde avec de vieilles idées alors que le monde a changé et qu'il attend une réflexion nouvelle ? La domination de la nature par l'homme, cette marotte de l'époque soviétique, la tentation du repli sur soi, dans une course illusoire vers je ne ne sais quelle excellence nationale et la nécessité de produire toujours plus ont quelque chose d'anachronique, aujourd'hui où l'enjeu est écologique, global, que tu le veuilles où non. Aspirer à la croissance irraisonnée,  et à la consommation de masse alors que tout vient à manquer et que les inégalités entre pays s'accroissent, en réclamant seulement d'avantage d'arbitrage public c'est finalement ne différer de la droite et des libéraux que sur les moyens, mais pas sur la fin.

Camarade, ton coeur bat-il toujours à gauche ? Égalité, solidarité, partage. La catastrophe nucléaire japonaise est l'occasion pour toi de réfléchir sur le sens de ces mots, même si Fukushima ne sera sans doute pas, hélà, le congrès de Tours du XXIe siècle.

 

6 avril 2011

L'archipel du travail

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    Nous pensons échapper au travail en nous réfugiant dans les loisirs, le cocon familial et les distractions. Mais ce n'est qu'un illusion. Les loisirs que nous consommons, la maison dans laquelle nous avons installé notre foyer et la distance que nous parcourons chaque jour pour la rejoindre, nous les payons : l'argent, le temps, l'anxiété sont le prix à payer. Car tout cela procède d'un travail : le notre ou celui d'autrui. La césure travail-vie privée apparaît dont factice, en tout cas aussi ténue qu'aux époques qui ont précédé la société de consommation. La frontière s'estompe dans la mesure où la course effrénée aux loisirs et, d'une certaine manière, au bonheur, n'a pour effet que d'alimenter la spirale de la consommation.


     Nous n'acceptons l'aliénation du travail qu'en contrepartie du droit à consommer qu'il nous accorde, puisque dans la civilisation du travail, il n'y a pas de bonheur, pas plus qu'il n'y a de subsistance possible sans consommation. Ainsi, la soif de loisirs ou la seule nécessité nous conduisent à exercer les métiers plus intéressants, à effectuer des taches dénuées de sens et à servir des entreprises condamnables d'un point de vue éthique. C'est dans cette absence totale de sens que réside le tragique de la vie au travail. L'absurdité du travail anéantit notre propre estime. Dans la société du travail, on n'existe que par la place que l'on occupe en tant qu'agent de production. Accepter ce rôle implique souvent d'accepter des métiers auxquels ont ne trouve pas de sens et par conséquent de s'écarter de l'injonction sociale de "l'épanouissement au travail", hors de laquelle l'accomplissement individuel est impossible. Vouloir exister en dehors de de rôle est condamné à l'échec : vivre hors du travail nous confronte tôt ou tard à l'impossibilité de consommer, donc d'être heureux. Nous nous forgeons alors une image doublement négative de nous-même : celle d'un individu privé de bonheur et celle d'un inutile. Une autre voie existe, celle de la société du troc, des SEL (sections d'echange local), de la gratuité, bref de l'ESS (économie sociale et solidaire) et autres initiatives citoyennes qui offrent la possibilité de redonner du sens à l'activité humaine. Mais cette voie tient de la Résistance, avec toutes les persécutions et l'engagement minoritaire que cela sous-entend.


     Le travail a quelque chose de totalitaire dans l'emprise qu'il exerce sur l'individu, comme la religion le faisait en son temps. "Hors du travail, point de salut", telle pourrait être la formule des idéologies conservatrice et libérale, adeptes de la rédemption par le travail. Aujourd'hui donc, le travail a remplacé l'église. Tout nous y conduit, il est l'alpha et l'oméga du monde contemporain. Les prophètes du libéralisme, les messies de la société de consommation et les apôtres du boulot semblent attendre la fin de temps qui annoncera le jugement dernier. Cela tombe bien, on entend le galop de cavaliers irradiés surgir des fourmilières du Levant. l'Apocalypse est pour bientôt.

15 décembre 2010

Le plus beau métier du monde

index





Module de formation 1 : analyse de situations

1.1 Gestion du groupe classe

 

Test : sauriez-vous réagir de façon adaptée en toute situation ?

 

Situation problème N° 1 : Remise des copies : la moyenne de la classe avoisine 2,5 sur 20.

 Vous chiffonnez les devoirs et les balancez à la figure des élèves en vous écriant « mais qui est-ce m'a foutu une classe de nuls pareils ? ».

 Vous revenez sur une copie : « Kelly, à la question n°1, tu ne dois pas écrire « vazy m'sieur, sa ser tro a rien 7 matier 2 boufon », mais « Monsieur, je perçois mal l'application possible de votre champ disciplinaire, tout au moins sur un plan purement utilitaire ».

Vous remettez en cause votre façon de noter. Vous décidez de mettre en place une évaluation de type plus formatif afin de valoriser les savoirs et les savoir-faire de tous les élèves.


Situation problème N°2 : vous enseignez la technologie dans un collège du Nord . Un élève de 6e vous traite de « connard ». *

Votre sang ne fait qu'un tour et vous giflez l'élève.

Vous rappelez à l'élève les formules de politesse élémentaires : « Kévin, on ne dit pas « connard » à son prof, mais « Monsieur Connard ».

 Vous ne dites rien sur le coup mais vous attendez la fin du cours pour en parler avec lui afin de redonner confiance à cet élève en grande souffrance psychologique.

* Toute ressemblance avec des faits d’actualité serait purement fortuite et indépendante de la volonté de l’IUFM de Créteil.


Situation problème N°3 : En salle multimédia, vous surprenez un élève en pleine consultation d'un site X.

 Vous sortez l'élève à coups de pieds dans le cul.

 Vous corrigez la requête de l'élève : « Brandon, le néologisme « chaudasse » pressenti pour figurer dans l’édition 2025 du Littré s'écrit avec A-U, et non pas avec un « O ».

 Devant le choc produit sur l'élève par de telles images, vous convoquez sur le champ la cellule de soutien psychologique du rectorat.

 

Situation problème N°4 : en regagnant votre coquet 15 m² situé en ZUP, un groupe d'élèves mécontents de leur note menace de vous passer à tabac.

Vous sortez votre bombe lacrymo et votre taser en mettant en pratique vos quelques notions d’arts martiaux.

Vous faites remarquer à vos agresseurs le caractère incorrect de leurs propos : « On ne dit pas : « on va t'exploser ta race, sale bâtard » mais « Nous allons anéantir ta lignée, enfant illégitime », tout en soulignant qu'il est quelque peu antithétique d'employer dans une phrase les mots « race » et « bâtard » à l'encontre d'une même personne.

Vous plaignez ces jeunes victimes de la violence qui règne dans quartiers difficiles tout en ramassant vos lunettes et vos dents à tâtons sur le bitume. Vous louez néanmoins leur excellente « dynamique de groupe ».

Situation problème N°5 : un parent d'élève conteste vos méthodes de « connard de prof » et menace de vous casser la gueule.

Vous lui conseillez de s'occuper de ses oignons, à commencer par l'éducation de son lardon et de ne pas trop vous chercher, parce-que ça pourrait partir tout seul...

Vous exigez d'avantage de correction dans les propos de ce parent : « Monsieur, il me semble que je l'ai déjà rappelé à votre fils hier : on doit dire « Monsieur le Connard, enseignant certifié de son état ».

Vous félicitez ce parent d'avoir surmonté son appréhension de « l'enceinte de l'école comme une forteresse infranchissable»,  et l'encouragez à renouveler son initiative dans l'optique du rapprochement « parents-enseignants ».


Situation problème N°6 : un élève allume un joint en plein cours.

Vous lui lancez un regard de tueur avant de lui balancer : « celui-la, mon gars, tu te le mets sur l’oreille et tu vas te le fumer au poste ».

Vous lui rappelez le règlement intérieur : « Bryan, aurais-tu oublié que l’établissement était non fumeur ? Par conséquent, tu dois aller fumer ta cigarette derrière la grille du collège ».

Vous le laissez fumer son pétard, et dès la fin du cours vous en informez la communauté éducative afin d’aider cette jeune victime de la drogue en grande détresse.


Situation problème N°7 : un élève s’écrie : « Comme j’ai trop la haine, c’est la prison ici ! De toute façon, je vais me casser de ce collège de bouffons, à la rentrée, mes reups me foutent à Saint Joseph » .

  Vous lui répondez : « C’est ça, dégage, ça nous fera des vacances. Si ça amuse tes parents de lâcher du fric pour que t’ailles te faire cirer les pompes chez les curés, c’est leur problème ».

 Vous le reprenez : « Dylan, il faut dire : « cet établissement m’insupporte, mes parents ont décidé de m’inscrire dans un collège privé sous contrat ».

Partant du principe qu’il faut respecter le choix de la famille, vous saluez l’engagement  de Dylan sur la voie d’une orientation choisie et non subie, qui garantira à coup sûr son épanouissement.

 

 

Les réponses et l'avis du formateur 

 

Si vous avez un maximum de : Pas de doute, vous êtes un bourreau d’enfants. Adepte de la pédagogie par le coup de pied au cul, nostalgique de l'époque des châtiments corporels et véritable incarnation du sergent instructeur de Full Metal Jacket, vous avez un siècle de retard : en aucun cas vous ne devez perdre votre sang froid devant un élève. On peut par ailleurs vous soupçonner de vouloir attirer les médias sur vous, tout en recherchant le soutien des syndicats enseignants gauchistes, comme des faits d’actualité récents l’ont montré. C'est à cause de gens comme vous que la cotisation à l'Autonome de Solidarité va augmenter l’an prochain, pour couvrir les frais occasionnés par les nombreuses procédures judiciaires engagées auprès des familles.

Mais votre évolution de carrière n'est pas pour autant bloquée : demandez votre mutation au lycée militaire d'Autun.

 

Si vous avez un maximum de : Pas de doute ; vous êtes un  has-been (pardon pour l’anglicisme). Dans le système scolaire actuel, vous êtes un OVNI. Vous n'avez toujours pas compris qu'on ne corrigeait plus les fautes d'orthographe depuis longtemps. La langue est vivante, elle évolue, c'est ainsi, que ça vous plaise ou non. Avec votre flegme so british (encore désolé), votre attachement aux Belles Lettres et votre préciosité très Ancien Régime, pas la peine de vous leurrer, vous ne connaîtrez jamais le même destin que Michelle Pfeiffer dans Esprits rebelles ou que Gérard Depardieu dans Le plus beau métier du monde.

Mais cela ne vous prive pas pour autant de nombreuses possibilités de carrière : faites-vous valider en « lettres classiques mention politesse, bon goût et bonnes manières » et demandez votre mutation pour l'Institut Nadine de Rothschild à Neuilly-sur-Seine.

 

.Si vous avez un maximum de : Pas de doute, l'enseignement est pour vous une vocation. Vous vous remettez tous les jours en question. Vous savez faire preuve d'empathie et tirer parti de chaque situation. Il n'y a en vous aucune aigreur, aucune frustration. Vous savez vous adapter à l'hétérogénéité (enfin plutôt à l'homogénéité, vu l'étendue générale des lacunes) du groupe classe. Vous ne cédez jamais à la colère. Vous incarnez l'enseignant modèle de la génération Chatel : sans moyens ni formation, seul devant des classes de 40 élèves, saturé de réunions inutiles, noyé sous la paperasse, flexible et avec un pouvoir d'achat minable, mais toujours prêt à partir au front : bravo ! 

Évolution de carrière : Demandez votre mutation pour Clichy-sous-Bois.

 

 

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25 octobre 2010

Nous avons les moyens de vous faire acheter !

recyclage_du_materiel_electronique_940x705Les valets de la société de consommation déploient des trésors d'inventivité pour nous faire cracher du blé. Reconnaissons-leur ce talent. Pour prendre mon exemple, j'utilise des gants en caoutchouc pour faire la vaisselle. Je sais, personne n'est parfait. Hé bien j'ai remarqué que depuis 3 ou quatre ans environ, la qualité des gants d'une même marque ne cessait de diminuer. Des gants que je pouvais garder plusieurs mois, voire un an sans qu'ils se percent sont fusillés parfois le jour même. On pourrait se dire "bah, c'est comme le papier journal, on utilise moins de matière première, ou des matières premières moins nocives pour l'environnement, donc ça doit expliquer la baisse de qualité". Sauf que, sur la paire de gants que j'utilise en ce moment j'ai remarqué ceci : une des zones qui lâchent le plus souvent sur des gants en caoutchouc, à savoir la jointure entre le pouce et l'index, était comme pré percée. Un point d'environ deux millimètres de diamètre, presque translucide, trahissant une différence d'épaisseur significative avec le reste du gant. Il suffit de tendre les doigts un peu fort pour faire tout craquer. Je doute qu'il s'agisse d'un défaut de fabrication ou d'une manœuvre destinée à économiser une micro-goutte de plastoc fondu. A ce stade, ça ne peut qu'être volontaire. Dans les usines d'esclaves qui fabriquent ces gants, il doit y avoir un esclave (sous) payé pour enlever à la chaîne un peu de matière à cet endroit là, avant que le plastique ait fini de sécher. Moralité : le couillon rachète une paire de gants dès son prochain passage au supermarché. Ou s''il est pas trop couillon, il en rachète de meilleure qualité, ce qui risque d'être dur, car ces méthodes de voyous gangrènent l'industrie dans son ensemble, et celle de l'électroménager en particulier.
Pourquoi cette sortie un peu longue sur les gants de ménage ? Parce-que cet exemple est symptomatique de l'absurdité de notre économie. En regardant mes gants promis à la poubelle, j'ai pensé à cette étude portant sur la durée de vie des objets. En effet, un rapport récent de l'organisation  "Les Amis de la Terre" a dénoncé cette pratique des industriels, qui porte le nom poétique d' "obsolescence programmée". Pour lire le rapport édifiant (L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage), c'est ici http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/RAPPORT_OP_BDEF_2_.pdf.

Que dit le rapport ? Hé bien le drame des industriels actuellement, c'est que le marché français est saturé. Tout le monde ou presque a un frigo, une télé, une machine à laver etc. Or, "la consommation des produits électriques et électroniques est en plein essor". Saluons le tour de force. Chapeau bas ! Mais comment qui s'y prennent-t-y donc pour nous faire acheter si on a déjà tout ce qu'il faut ? Réponse : en programmant la durée de vie des produits, en s'arrangeant pour qu'elle dépassa à peine la garantie. Et aussi en proposant de multiples gadgets électroménagers inutiles comme la fontaine à chocolat, le four à pizza, la cocotte minute à affichage digital (tous ces bidules rappellent furieusement La complainte du progrès de Boris Vian). Et c'est bien connu, une friteuse électrique par exemple tombe bien plus souvent en panne, et de façon irrémédiable, qu'une friteuse "manuelle". Pardon , vous dites ? Faire réparer l'appareil ? Un conseil, ne prononcez jamais cette phrase dans un magasin : au mieux, on vous rira poliment au nez. Si vous ne le saviez déjà pas, le rapport vous le rappelle : on ne répare plus. Soit parce que les appareils sont indémontables, soit parce que les pièces détachées sont de moins en moins disponibles. Et même si votre matériel marche très bien, l'évolution technologique (je me refuse à parler de progrès en pareil cas) fait que votre appareil devient obsolète. Prenez un ordinateur qui a quatre ans. Il peut encore très bien fonctionner mais devenir dépassé à cause des applications, des jeux et autres logiciels devenus trop gourmands en performances. Même chose avec le MP3 supplanté par le MP4 à cause de sa mémoire étriquée.

Vous me direz "rien de nouveau là dedans, ce sont de vieux trucs de marchands qui ont toujours existé". Et vous n'aurez pas tout à fait tort : l'obsolescence programmée remonte au moins au XIXe siècle avec l'apparition de tee-shirts à usage unique aux États-Unis. Et cette pratique s'est poursuivie allègrement durant les Trente Glorieuses. Sauf que depuis, la donne a changé. En un siècle, la population mondiale a été multipliée par quatre et les ressources naturelles ont pris un sérieux coup dans les dents. Malgré cela, on laisse une bande d'industriels irresponsables piller impunément des ressources qui sont le bien de tous pour alimenter la spirale débile de a société de consommation. Des guerres sont à venir pour les métaux, rares ou non, sans compter les dégâts environnementaux que provoque leur exploitation. Mais tout se passe comme si les ressources étaient inépuisables. Certes, ce qui est fabriqué aujourd'hui est en théorie plus léger et moins gourmand en matières premières et en énergie, ce que reconnaît le rapport. Mais ces gains d'énergie à l'utilisation sont totalement annulés à la production, du fait de l'obsolescence programmée, qui suppose un renouvellement plus fréquent, et de la délocalisation de la production qui induit des trajets de plus en plus longs  et de plus en plus nombreux, au nom de la rationalisation (vous connaissez l'histoire du yaourt dont le lait produit dans un pays A, qu'on met en pot dans un pays B, avec des pots fabriqués dans un  pays C, qu'on étiquette dans un pays D, avant de revenir dans le pays A pour être vendu).

On ne peut pas ne pas avoir envie de foutre par terre un pareil système. Le problème, c'est l'indifférence collective face au problème. Les déclarations de magasins interrogés retranscrites dans le rapport sont aussi éloquentes que le silence de ceux qui n'ont pas voulu répondre. Vouloir changer ces habitudes de truands, c'est s'exposer au sempiternel argument : "OK, vous voulez paralyser l'économie et mettre tout le monde au chômage ? ". La chômage, la croissance, le PIB, ces éternelles rengaines. En gros, la chenille doit continuer à grignoter la feuille, et quand elle aura tout bouffé, il ne lui restera plus qu'à tomber dans le vide. Il arrive un moment où la voracité permanente du libéralisme se heurte à la finitude des ressources. Mais c'est pas grave, maintenons de l'activité, il faut que la fourmilière ne cesse jamais de grouiller. La croissance, c'est bien beau, mais que met-on derrière ? Des traitements médicaux ou des missiles ? De la bagnole ou du solaire ? Les diplômés des écoles de commerce, obsédés par la maximisation des profits, les ingénieurs qui s'échinent à concevoir des produits faits pour ne pas durer, les publicitaires qui emploient leur soi-disant créativité pour nous vendre des merdes, les patrons qui commandent et les actionnaires qui cautionnent le tout : tous ces gens là ont probablement une bonne estime d'eux mêmes. Ils sont peut-être même persuadés d'œuvrer pour la bien de l'économie. Et ils se donnent beaucoup de peine pour cela, à coup de 70 heures par semaines, voire plus. Et pourtant, ces gens là sont parfaitement inutiles. Pire, ils sont même nuisibles et le seraient moins en passant leurs journées à battre la belote ou à faire des sudokus, enfin, en tout cas, en travaillant moins. Leur fonction n'est pas d'aider à progresser dans un sens meilleur ni de contribuer à ralentir un peu l'hémorragie de ressources naturelles. Leur unique fonction, leur seule raison d'être est de faire vendre ou de faire acheter. S'il fallait vendre des 4x4 consommant du 30 litres au cent et dont les sièges seraient en fourrure de pandas, ils le feraient. Hélas pour eux, il existe encore ces vestiges de l'époque soviétique qu'on appelle les États et les lois. Des archaïsmes qui empêchent de commercer en rond. Cependant, si l'on réfléchit bien, produire de la merde pour obliger les consommateurs à racheter, donc s'assurer une rente, donc quelque part, vivre en fonctionnaire, en cherchant à bouffer la concurrence et à faire taire la contestation citoyenne, tout cela au profit d'une intelligentsia d'actionnaires et au prix de désastres écologiques, qu'est-ce que c'est sinon de la pure économie soviétique ? Les libéraux modernes sont des communistes tendance brejniévienne qui s'ignorent. Ils s'en rendront peut-être compte à la prochaine mer d'Aral asséchée ou au prochain Techernobyl. Et cette fois ce sera dur de mettre ça sur le dos des cocos.

19 octobre 2010

Radio beauf

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Les grèves ont ceci de bon qu'elles nous sortent de la routine habituelle le temps d'une journée. Mon rituel, au lever, c'est d'allumer la radio dont le tuner est par défaut sur France Inter. Mais ce matin, les musiques diffusées en lieu et place du traditionnel flash de 7h m'ont vite rappelé que ce 19 octobre était jour de grève. Alors, pour avoir "les nouvelles", je me suis rabattu, non sans un léger sentiment de culpabilité, sur une station non gréviste, donc privée, en l'occurrence, Europe 1. Comme disait le film L'an 01 de Jacques Doillon " Si on faisait un pas de côté, au lieu de sonner chez soi, on sonnerait chez le voisin "... et l'on irait écouter sa radio le temps d'une journée. "On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste !" nous disait encore le film de Doillon. A la différence que sur Europe 1, on n'arrête pas, on ne réfléchit pas, et c'est bête à pleurer. Ainsi, le premier titre du flash de 7h ne porte pas sur la grève et les revendications, mais sur la pénurie d'essence, soit l'angoisse N°1 du beauf qui se respecte. Le type qui, l'autre jour, devant moi à la station essence remplissait ses jerricanes m'est apparu aujourd'hui comme l'auditeur type d'Europe 1 : le mec qui gueule contre l'égoïsme des grévistes irresponsables tout en remplissant ses jerricanes (malgré l'interdiction affichée et la limite de 30 € de carburant par personne), et tant pis si y a plus d'essence pour les autres... Les grèves ont aussi cela de bon : elles nous laissent imaginer les comportements que certains pourraient avoir le temps d'une guerre ou d'une catastrophe... Si ces gens là faisaient un pas de côté, ce serait pour mieux écraser la gueule de leur voisin.

On a ensuite eu droit aux débordements des manifs, aux saccages, à ce collège du Mans incendié (car c'est bien connu, les grévistes sont des vandales)... et à ce lycée bloqué dans le quartier du Marais. Il s'agit paraît-il d'un lycée pratiquant la mixité sociale. Or, on nous dit-on, ce sont les élèves boursiers qui vont faire les frais du blocage mené par les fils de bourges, qui eux pourront se faire payer des cours particuliers pour le bac. Traduction : les lycéens grévistes ne sont que des fils à papa et des merdeux de glandeurs, ils font grève pour s'amuser (ça rappelle étrangement les déclarations du pouvoir pendant mai 68 !). C'est quand même le monde à l'envers : radio Sarko qui s'offusque des inégalités sociales et qui fait l'éloge de la carte scolaire ! Pour cogner sur les grévistes, ces guignols utiliseraient leur mère en guise de gourdin.

Et de nous parler d'un soi disant conflit inter générationnel où, ce que les jeunes reprocheraient à la génération de leurs parents, ce serait non pas cette réforme injuste (et qui aura pour effet de retarder d'avantage l'entrée des jeunes sur le marché du travail), mais, au contraire, leur attitude de grévistes irresponsables (le sempiternel refrain des générations-futures-qui-vont-payer-la-note gna gna gna). Pas de doute, Europe1 a reçu 5 sur 5 le message des jeunes... UMP !

Mais impossible, même pour Europe 1 de faire fi de cette statistique : "70 % des français soutiennent le mouvement de grève". On sentait que le journaliste, ça le démangeait d'ajouter à ça "pays de feignasses", alors il l'a dit de façon détournée, à savoir qu'à l'étranger, on ne comprenait pas cette pratique typiquement française de la grève. Sauf en Italie. Mais les Italiens, vous savez comment c'est, ça aime autant le bordel que les Français, si ce n'est plus, donc ça ne compte pas (ça non plus il ne l'a pas dit).

A huit heures, après quelques pubs débiles, Fogiel s'est pointé pour le flash avec sa neutralité et sa finesse légendaire en commençant par une citation de son mentor : "quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit", avant de mettre une grosse nuance du genre " mais là, justement, si, quand même ". Toujours pas un mot sur les revendications. Par contre, en troisième ou quatrième place dans ce flash, après la pénurie d'essence et les casseurs, un grand sujet de fond : les dérives de la télé réalité italienne, dont, ironie du sort, on se rapproche petit à petit en France grâce à des mecs comme Fogiel, ex collaborateur d'Endemol.

Ensuite, j'en ai eu marre et j'ai fermé le robinet à idées reçues de beaufs. Car les grèves ont enfin cela de bon : elles nous rappellent qu'entre une radio publique, même malmenée par le pouvoir, et une radio privée détenue par Lagardère (et donc aux ordres du pouvoir ami), il y existe encore une différence qui s'appelle le service public, gage d'une certaine qualité en matière d'information. Dans l'esprit d' Elkabbach et de Fogiel, les grévistes sont de vieux communistes arriérés. Il faudra quand même dire un jour à ces deux là qu'ils bossent à la Pravda.

10 juin 2010

Général, nous voilà !

imagesD'ici un an, les élèves de terminale littéraire auront la bonheur d'étudier le tome III des Mémoires de guerre du Général de Gaulle.
Enfin ! L'injustice est réparée ! Depuis le temps que les professeurs et surtout les élèves attendaient d'analyser la prose du plus célèbre de nos militaires ! On ne peut étudier la littérature en laissant de côté un auteur de la trempe du général.
C'est ce qu'ont du se dire les personnes chargées d'élaborer les programmes scolaires. Ces gens là, visiblement habitués à faire cours à des élèves, qui, c'est bien connu, kiffent grav 2 Gol, ont du  tomber des nues en apprenant que les profs de lettres, loin de se mettre au garde à vous, se la rejouaient mai 68. Pourtant, ils auraient du prévoir ça : à chaque fois qu'on propose des nouveautés, elles se heurtent à l'archaïsme aveugle de cette corporation ingrate et gauchisante. Les enseignants s'alarment du manque de maîtrise de la langue française chez nos élèves, or, quel meilleur remède à ce problème que d'étudier le Général de Gaulle, sauveur de la France devant l'éternel ? Les profs ont la mémoire courte : sans lui (et sans les Ricains) ils seraient, comme dirait Sardou (sans doute bientôt au programme de musique), "tous en Germanie", et à enseigner je ne sais quoi... On se demande ce qui a traversé les brillants esprits de la commission des lycées quand ils ont choisi d'inscrire cette œuvre au programme. La grosse commission aurait-elle été prise par cette idée comme d'une envie pressante ? Peut-être pas. Dans quelques jours en effet, la France s'apprête à célébrer les 70 ans de l'appel du 18 juin. Rien de plus con et de plus arbitraire que ces commémorations anniversaires. ET si ça se trouve, la commission de programmes y a cédé, comme c'est d'usage chez les journalistes en manque d'actualité...
Mais les profs devraient savoir  qu'il y a des choses auxquelles on ne touche pas en France, encore moins en Sarkozye et de Gaulle en fait partie. Heureusement, certains gardiens de la mémoire sont-là pour nous le rappeler : à l'image des 25 députés UMP défendant le rockeur trop porté sur la bibine, plusieurs personnalités ont justifié l'étude des Mémoires de De Gaulle en Terminale. Parmi eux, le sarkophile Max Gallo, dont le sang de patriote n'a fait qu'un tour. Selon lui, De Gaulle "fait partie des plus grands mémorialistes de notre histoire au même    titre que le cardinal de Retz ou Saint-Simon (...). Vouloir suspecter    une intention politique derrière ce choix est indigne.» Si ce n'est pas de l'idolâtrie, c'est de la pure mauvaise foi : mettre les mémoires de De Gaulle, au même plan que n'importe quelle œuvre littéraire, c'est oublier que De Gaulle, n'est pas un auteur à proprement parler, dans le sens où, ses écrits, à la différence d'un Proust par exemple, ne sont pas l'œuvre d'une vie mais un faire valoir au service de sa postérité, de sa vision de l'histoire.
Les groupies du Général ne comprennent pas (ou feignent de ne pas comprendre) que les profs rejettent non pas la mémoire de De Gaulle mais ses Mémoires en tant qu'œuvre au programme. S'ils le font, ce n'est pas par opinion politique mais par amour de la littérature et aussi par conviction pédagogique. Pourquoi des historiens, godillots de surcroît, dicteraient aux profs de lettres ce qu'ils doivent enseigner ? Évidemment, dans cette histoire, il faut qu'il y ait quelques brebis galeuses du monde des lettres pour servir de caution au gouvernement. Ainsi Franz-Olivier  Giesbert, qui  salue chez De Gaulle « une  langue sublime », tandis que Bernard Pivot ne voit pas « matière à scandale » et évoque le « style très particulier, flamboyant,  grand siècle, avec des mots recherchés ». Mais ce n'est pas parce-que cette œuvre est écrite avec un certain talent et un style propre à son auteur qu''il est pertinent de la mettre au programme de lettres. Ne serait-ce parce qu'il y aurait déjà tant d'autres œuvres majeures à étudier avant celle-ci. Sinon, à ce moment-là, pourquoi on ne mettrait pas Maurras au programme sous prétexte que lui aussi manie bien la langue (en plus ça permettrait à L'UMP de siphonner des voix au FN) ?  Si on choisit de faire étudier  De Gaulle aux élèves plutôt que des auteurs aux idées nauséabondes, ce n'est finalement pas pour l'oeuvre elle-même mais pour l'image consensuelle du héros... L'intérêt littéraire, qui doit constituer le critère essentiel d'une œuvre étudiée en classe, devient ici un simple prétexte pour véhiculer du politiquement correct et de la mémoire collective. Ce n'est pas le rôle des profs de français, pas plus que ce n'est le rôle des profs d'histoire. On n'émancipe pas la jeunesse avec des icônes et des héros officiels. Et pour l'anecdote, l'image du héros sort un peu écornée de l'épisode du Vercors...
Si l'on devait faire un hit parade des héros des Français, De Gaulle figurerait sans doute en tête, aux côtés de Napoléon, (et peut-être de Zidane). La France aime les personnages à poigne et bave devant les hommes de pouvoir. Est-ce la propension des français au bordel qui les fait autant aimer l'ordre et l'autorité ? En 40, la France, s'est donnée à Pétain, héros de Verdun et garant de l'ordre moral. Quatre ans plus tard, De Gaulle est arrivé et l'a sortie du ruisseau avec l'aide des Américains, et des Anglais (et aussi des Russkofs, mais ça, on n'en est pas trop fiers) . Alors, la garce, repentie et honteuse, s'est couchée devant son nouveau maître, tondant au passage quelques femmes dont la faute était d'avoir fait avec des allemands ce que tout un peuple avait fait de façon symbolique avec l'occupant. La France ne se remet toujours pas de l'occupation, elle ne s'en remettra peut-être jamais. De Gaulle, initiateur de la Résistance, incarne les rares français qui ont dit non et cela lui confère le statut de saint de la nation. C'est le sauveur qui a lavé un peuple de ses péchés. La pénitence, le prix à payer pour le pays, ce furent les années d'autoritarisme qui ont suivi, marquées par la présence écrasante du Général, fort du chèque en blanc que le France lui avait signé. Aujourd'hui, l'ombre du Général plane encore : homme d'État, mais avant tout militaire peut-être plus attaché au fond à la patrie qu'à la démocratie, on veut maintenant en faire un homme de lettres...
Laissons la conclusion à Michel Audiard : Une des grandes loufoqueries littéraires à la sortie des "Mémoires de guerre" a été de faire semblant de prendre le grand "rantanplan" pour le nouveau sorcier du style, l'écrivain mahousse.

2 juin 2010

De l'utilisation de l'étendard à des fins hygiéniques

Le 6 maimagesrs dernier, la FNAC de Nice avait organisé un marathon photo où un cliché mettait en scène quelqu'un en train de s'essuyer les fesses à l'aide du drapeau tricolore (devenu "quadricolore" à l'occasion). Évidemment, toute la droite et le gouvernement ne pouvaient laisser passer un tel affront. La ministre de la justice a promis des poursuites, tandis que le général Lecerf a annoncé qu'il n'excluait pas une "action personnelle", rien de moins. Diantre, envisagerait-il un putsch, comme ses illustres prédécesseurs, Salan et consorts ? Il faut dire que la patrie a de quoi se sentir menacée : après la Marseillaise sifflée dans les stades, voilà qu'on se torche avec le drapeau national, sur les terres mêmes des fervents patriotes Estrosi et Ciotti, quelle provocation ! Et non contents de s'attaquer à ces symboles, les ennemis de la nation, après avoir saboté le débat sur l'identité nationale, traînent maintenant l'armée française dans la boue, à travers le film Hors la loi présenté au Festival de Cannes ! C'en est trop ! Il faut mettre fin à ce complot ! Vive la France ! Vive l'Algérie Française ! En avant, patriotes ! Montjoie ! Saint-Denis ! Euh...Hum hum... Pardon, je m'emporte. Dès qu'on touche au drapeau, c'est plus fort que moi...
La simple vision du drapeau français suffit à m'évoquer les aspects les plus cons de l'État : ce carré de tissu trop propre, dressé en haut d'une pique, c'est la caserne, la légion, les roulements de tambour  des fanfares belliqueuses, c'est "le symbole sacré de la patrie", de Déroulède et Pétain, c'est aussi le linceul sanglant de tous ces pauvres types morts pour rien en 14-18.
Car la seule substance autorisée à le toucher sans le salir, c'est le sang, le sang absorbé, concentré depuis deux siècles dans le pourpre criard, à l'extrême droite du drapeau. Or c'est avec cette couleur, que le personnage de la photo s'essuie les fesses. L'auteur a-t-il voulu signifier par là, que l'idée de mourir pour la France, il se la mettait "où je pense" ?  En fin de compte cette mise en scène est presque valorisante : se torcher avec le drapeau montre qu'il a au moins une utilité et qu'il peut-être associé à autre chose qu'à la mort et à l'armée. Mais nos patriotes effarouchés sont à des lieues de saisir la métaphore, aussi énorme soit-elle, ils ne verront que l'outrage au drapeau : quand le sage montre la Lune...  Pour la droite arc-boutée sur ce symbole imbécile, c'est un blasphème. Et pourtant, à bien y réfléchir, qui des deux offense le plus la France ? Le photographe politiquement incorrect qui insulte un symbole méprisable, ou le gouvernement qui se torche ostensiblement avec les acquis sociaux  depuis 8 ans ? Le code du travail (prochainement réédité chez Moltonel ?), le service public (qu'on démolit), le Ministère de la Question Juive... heu pardon, de l'Identité Nationale et de l'Immigration (le nom a changé), ce ne sont pas des simples symboles, mais des choses bien réelles pour les citoyens ! A l'heure avancée de l'Europe, en plein cinquantenaire de la décolonisation, l'attachement au drapeau a quelque chose d'anachronique.
On peut aimer son pays et conchier le drapeau. Ce n'est pas insulter la mémoire des "morts pour la France" que d'agir ainsi, mais quelque-part, c'est leur rendre justice : en 14-18, des milliers d'hommes sont morts au nom et à cause du drapeau ; sous l'occupation, les résistants ont combattu le régime de Vichy et son exhalation de la patrie, avant de créer, entre autres à la libération, la sécurité sociale par le biais du Conseil National de la Résistance !  Tout dépend de ce qu'on met derrière l'idée de nation : la "grandeur" et la puissance, incarnées par l'armée et le drapeau, ou le social et le progrès, au service des citoyens ? A droite, la réponse est la même depuis longtemps.

31 mai 2010

France profonde

indexJeudi 27 mai avait lieu la campagne annuelle de dépistage des cancers de la peau. Rappelons que cette opération permet en théorie à chacun de consulter un dermato sans rendez-vous et gratuitement. Intention tout à fait louable, d'ailleurs, faisant moi-même partie d'une tranche d'âge exposée à ce type de cancers, j'envisageais fermement d'y aller. Seulement, et d'une, ce jour-là je bossais, et de deux, surtout, pas de consultation à moins d'une heure de route. Ça sera donc pour une autre fois, à condition bien sûr qu'il y ait une consultation dans le coin, autant dire que c'est pas gagné... En observant la répartition géographique des consultations de ce 27 mai, on relevait une forte concentration de celles-ci dans les zones urbaines ou densément peuplées, en particulier dans les Alpes Maritimes, département où l'âge moyen explique autant les préoccupations sanitaires que l'obsession sécuritaire. A noter que dans certains départements, aucune consultation n'était programmée ! Ça n'est pas un scoop : dans notre belle République où, paraît-il, la devise est "Liberté, Égalité, Fraternité", il y a des citoyens de première et de seconde zone. Évidemment, je comprends qu'on ne va pas proposer dix consultations au milieu du Larzac ou de la forêt landaise, mais à défaut de réquisitionner tous les dermatos comme la logique le voudrait (après tout, quand on fait du cancer une "priorité nationale", on s'en donne les moyens), cette opération devrait être planifiée de façon à ce que chaque français ait une consultation à mettons maximum une demi heure de route de chez lui. Mais même ça, c'est trop demander à un gouvernement qui s'acharne à limiter de plus en plus l'accès aux soins.
Il fait de moins en moins bon vivre à la cambrousse. Et quand on y habite, mieux vaut avoir une bagnole et être en bonne santé. On nous exhorte, à travers les campagnes pour l'environnement, à utiliser les transports en commun. Je dis oui, à fond oui, seulement le prix d'un billet de train est déjà dissuasif, alors quand j'ajoute les bornes qu'il faut faire parfois pour trouver une gare, en ce qui me concerne, le choix est vite fait. Une gare dans chaque canton, une chimère ? Non, une réalité avec le "plan Freycinet" à la fin du XIXe siècle, hélas, depuis, sacrifié sur l'autel du "tout bagnole". C'est une question de choix et de volonté politique.  Pour se soigner, là aussi c'est coton. Les "petits hôpitaux" sont peu à peu liquidés, la tendance étant au regroupement et aux "pôles santé" ("pôles", peut-être parce qu'y accéder tient tout d'une expédition d'Amundsen ?).  Beaucoup de médecins rechignent à s'installer à la campagne. Pourtant, me direz-vous, ils assurent une mission de service public quelque part, mais à la différence des fonctionnaires, ce sont des professions libérales, c'est sans doute pour cette raison qu'ils ne tiennent pas à faire passer l'intérêt général avant leur liberté individuelle. Et puis ça irait à l'encontre  de notre devise nationale, où l'égalité passe après la liberté, merde !
Ceci dit, l'égalité devant l'impôt est toujours d'actualité, qu'on soit citadin ou rural. Pour la redistribution, on repassera. Dans quelques années, la poste ne se déplacera plus jusque dans le moindre hameau isolé comme c'est encore le cas. Un autre exemple, qui n'a rien à voir avec le service public, quoi que... C'est en matière d'accès à Internet, en particulier au haut débit. Pour ma part, je paye grosso modo 30 euros mensuels d'accès à Internet. Or, pour exactement le même prix, si j'habitais en ville, j'aurais droit à plein d'autres trucs comme la télé, bref le fameux dégroupage. La moindre des choses serait que je maye moins cher qu'un citadin. Mais non ! En gros, je paye pour un truc qui n'arrivera jamais dans mon patelin, quelque part, je finance en partie le dégroupage pour le mec qui habite en ville. C'est quelque chose que l'État devrait règlementer si toutefois les notions d'égalité républicaine et d'aménagement du territoire avaient encore un sens à ses yeux. Le plouc paye des impôts, et pourtant il n'en finit pas de crever... en cela, l'attitude implicite de l'État ne diffère guère de celle des fournisseurs d'accès :  les pèquenots ne sont pas assez rentables, par contre, ils sont assez bons pour lâcher leur blé.
Parler de "France profonde" suppose l'existence d'une France superficielle, celle qui, telle une taulière indigne bafouerait ses traditions républicaines au nom d'une rentabilité suicidaire et d'une modernité rétrograde... Peut-être qu'un jour la France rurale ne sera plus peuplée que par de gros agriculteurs qui finiront de la faire crever à coups de pesticides et d'engrais chimiques (les vieux, eux, auront été parqués ailleurs, dans des zoos gérés pas les opportunistes marchands d' "aide à la personne"). Des étendues immenses et dépeuplées parcourues par des engins agricoles démesurés, où toute vie non destinée à la consommation ou au dégommage à la carabine aura disparu : la FNSEA en rêve déjà. En attendant, aux habitants de la France profonde qui l'ont profond, il reste encore un droit, celui de voter.

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