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Sous les pavés, l'amer
31 mai 2010

France profonde

indexJeudi 27 mai avait lieu la campagne annuelle de dépistage des cancers de la peau. Rappelons que cette opération permet en théorie à chacun de consulter un dermato sans rendez-vous et gratuitement. Intention tout à fait louable, d'ailleurs, faisant moi-même partie d'une tranche d'âge exposée à ce type de cancers, j'envisageais fermement d'y aller. Seulement, et d'une, ce jour-là je bossais, et de deux, surtout, pas de consultation à moins d'une heure de route. Ça sera donc pour une autre fois, à condition bien sûr qu'il y ait une consultation dans le coin, autant dire que c'est pas gagné... En observant la répartition géographique des consultations de ce 27 mai, on relevait une forte concentration de celles-ci dans les zones urbaines ou densément peuplées, en particulier dans les Alpes Maritimes, département où l'âge moyen explique autant les préoccupations sanitaires que l'obsession sécuritaire. A noter que dans certains départements, aucune consultation n'était programmée ! Ça n'est pas un scoop : dans notre belle République où, paraît-il, la devise est "Liberté, Égalité, Fraternité", il y a des citoyens de première et de seconde zone. Évidemment, je comprends qu'on ne va pas proposer dix consultations au milieu du Larzac ou de la forêt landaise, mais à défaut de réquisitionner tous les dermatos comme la logique le voudrait (après tout, quand on fait du cancer une "priorité nationale", on s'en donne les moyens), cette opération devrait être planifiée de façon à ce que chaque français ait une consultation à mettons maximum une demi heure de route de chez lui. Mais même ça, c'est trop demander à un gouvernement qui s'acharne à limiter de plus en plus l'accès aux soins.
Il fait de moins en moins bon vivre à la cambrousse. Et quand on y habite, mieux vaut avoir une bagnole et être en bonne santé. On nous exhorte, à travers les campagnes pour l'environnement, à utiliser les transports en commun. Je dis oui, à fond oui, seulement le prix d'un billet de train est déjà dissuasif, alors quand j'ajoute les bornes qu'il faut faire parfois pour trouver une gare, en ce qui me concerne, le choix est vite fait. Une gare dans chaque canton, une chimère ? Non, une réalité avec le "plan Freycinet" à la fin du XIXe siècle, hélas, depuis, sacrifié sur l'autel du "tout bagnole". C'est une question de choix et de volonté politique.  Pour se soigner, là aussi c'est coton. Les "petits hôpitaux" sont peu à peu liquidés, la tendance étant au regroupement et aux "pôles santé" ("pôles", peut-être parce qu'y accéder tient tout d'une expédition d'Amundsen ?).  Beaucoup de médecins rechignent à s'installer à la campagne. Pourtant, me direz-vous, ils assurent une mission de service public quelque part, mais à la différence des fonctionnaires, ce sont des professions libérales, c'est sans doute pour cette raison qu'ils ne tiennent pas à faire passer l'intérêt général avant leur liberté individuelle. Et puis ça irait à l'encontre  de notre devise nationale, où l'égalité passe après la liberté, merde !
Ceci dit, l'égalité devant l'impôt est toujours d'actualité, qu'on soit citadin ou rural. Pour la redistribution, on repassera. Dans quelques années, la poste ne se déplacera plus jusque dans le moindre hameau isolé comme c'est encore le cas. Un autre exemple, qui n'a rien à voir avec le service public, quoi que... C'est en matière d'accès à Internet, en particulier au haut débit. Pour ma part, je paye grosso modo 30 euros mensuels d'accès à Internet. Or, pour exactement le même prix, si j'habitais en ville, j'aurais droit à plein d'autres trucs comme la télé, bref le fameux dégroupage. La moindre des choses serait que je maye moins cher qu'un citadin. Mais non ! En gros, je paye pour un truc qui n'arrivera jamais dans mon patelin, quelque part, je finance en partie le dégroupage pour le mec qui habite en ville. C'est quelque chose que l'État devrait règlementer si toutefois les notions d'égalité républicaine et d'aménagement du territoire avaient encore un sens à ses yeux. Le plouc paye des impôts, et pourtant il n'en finit pas de crever... en cela, l'attitude implicite de l'État ne diffère guère de celle des fournisseurs d'accès :  les pèquenots ne sont pas assez rentables, par contre, ils sont assez bons pour lâcher leur blé.
Parler de "France profonde" suppose l'existence d'une France superficielle, celle qui, telle une taulière indigne bafouerait ses traditions républicaines au nom d'une rentabilité suicidaire et d'une modernité rétrograde... Peut-être qu'un jour la France rurale ne sera plus peuplée que par de gros agriculteurs qui finiront de la faire crever à coups de pesticides et d'engrais chimiques (les vieux, eux, auront été parqués ailleurs, dans des zoos gérés pas les opportunistes marchands d' "aide à la personne"). Des étendues immenses et dépeuplées parcourues par des engins agricoles démesurés, où toute vie non destinée à la consommation ou au dégommage à la carabine aura disparu : la FNSEA en rêve déjà. En attendant, aux habitants de la France profonde qui l'ont profond, il reste encore un droit, celui de voter.

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