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Sous les pavés, l'amer
2 juin 2010

De l'utilisation de l'étendard à des fins hygiéniques

Le 6 maimagesrs dernier, la FNAC de Nice avait organisé un marathon photo où un cliché mettait en scène quelqu'un en train de s'essuyer les fesses à l'aide du drapeau tricolore (devenu "quadricolore" à l'occasion). Évidemment, toute la droite et le gouvernement ne pouvaient laisser passer un tel affront. La ministre de la justice a promis des poursuites, tandis que le général Lecerf a annoncé qu'il n'excluait pas une "action personnelle", rien de moins. Diantre, envisagerait-il un putsch, comme ses illustres prédécesseurs, Salan et consorts ? Il faut dire que la patrie a de quoi se sentir menacée : après la Marseillaise sifflée dans les stades, voilà qu'on se torche avec le drapeau national, sur les terres mêmes des fervents patriotes Estrosi et Ciotti, quelle provocation ! Et non contents de s'attaquer à ces symboles, les ennemis de la nation, après avoir saboté le débat sur l'identité nationale, traînent maintenant l'armée française dans la boue, à travers le film Hors la loi présenté au Festival de Cannes ! C'en est trop ! Il faut mettre fin à ce complot ! Vive la France ! Vive l'Algérie Française ! En avant, patriotes ! Montjoie ! Saint-Denis ! Euh...Hum hum... Pardon, je m'emporte. Dès qu'on touche au drapeau, c'est plus fort que moi...
La simple vision du drapeau français suffit à m'évoquer les aspects les plus cons de l'État : ce carré de tissu trop propre, dressé en haut d'une pique, c'est la caserne, la légion, les roulements de tambour  des fanfares belliqueuses, c'est "le symbole sacré de la patrie", de Déroulède et Pétain, c'est aussi le linceul sanglant de tous ces pauvres types morts pour rien en 14-18.
Car la seule substance autorisée à le toucher sans le salir, c'est le sang, le sang absorbé, concentré depuis deux siècles dans le pourpre criard, à l'extrême droite du drapeau. Or c'est avec cette couleur, que le personnage de la photo s'essuie les fesses. L'auteur a-t-il voulu signifier par là, que l'idée de mourir pour la France, il se la mettait "où je pense" ?  En fin de compte cette mise en scène est presque valorisante : se torcher avec le drapeau montre qu'il a au moins une utilité et qu'il peut-être associé à autre chose qu'à la mort et à l'armée. Mais nos patriotes effarouchés sont à des lieues de saisir la métaphore, aussi énorme soit-elle, ils ne verront que l'outrage au drapeau : quand le sage montre la Lune...  Pour la droite arc-boutée sur ce symbole imbécile, c'est un blasphème. Et pourtant, à bien y réfléchir, qui des deux offense le plus la France ? Le photographe politiquement incorrect qui insulte un symbole méprisable, ou le gouvernement qui se torche ostensiblement avec les acquis sociaux  depuis 8 ans ? Le code du travail (prochainement réédité chez Moltonel ?), le service public (qu'on démolit), le Ministère de la Question Juive... heu pardon, de l'Identité Nationale et de l'Immigration (le nom a changé), ce ne sont pas des simples symboles, mais des choses bien réelles pour les citoyens ! A l'heure avancée de l'Europe, en plein cinquantenaire de la décolonisation, l'attachement au drapeau a quelque chose d'anachronique.
On peut aimer son pays et conchier le drapeau. Ce n'est pas insulter la mémoire des "morts pour la France" que d'agir ainsi, mais quelque-part, c'est leur rendre justice : en 14-18, des milliers d'hommes sont morts au nom et à cause du drapeau ; sous l'occupation, les résistants ont combattu le régime de Vichy et son exhalation de la patrie, avant de créer, entre autres à la libération, la sécurité sociale par le biais du Conseil National de la Résistance !  Tout dépend de ce qu'on met derrière l'idée de nation : la "grandeur" et la puissance, incarnées par l'armée et le drapeau, ou le social et le progrès, au service des citoyens ? A droite, la réponse est la même depuis longtemps.

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